La mutation de l’espace public


L’exercice de l’autonomie acquise dans le cadre de la vie privée suppose un retour dans des espaces de visibilité sociale. L’espace public doit donc être interrogé sous l’angle des opportunités et des contraintes qu’il offre en matière d’expression individuelle et collective. Par ailleurs, les analyses de la psychologie sociale sur la notion de vie privée amènent naturellement à s’interroger sur la situation de ceux qui ne bénéficient pas des conditions de base nécessaires au développement de l’autonomie. Dans une société où « l’injonction à l’autonomie » est devenue la règle, ceux qui en sont relativement dépourvus doivent pouvoir exprimer leurs difficultés à y accéder et revendiquer leurs besoins spécifiques. La place de plus en plus importante occupée par la notion d’invisibilité au sein de la question sociale traduit-elle, de ce point de vue, une évolution particulière des caractéristiques de l’espace public ? À qui et à quoi s’étend l’espace public aujourd’hui ? Doit-on reconnaître une évolution des modalités de la visibilité sociale conditionnées par celui-ci ? L’espace public : un lieu de production de la visibilité sociale L’espace public constitue l’un des fondements des sociétés démocratiques. Si l’espace privé est propre à une personne ou à un groupe de personnes, l’espace public est un espace commun. En tant que tel, il constitue le lieu d’exercice de la citoyenneté, donc de la liberté. Hannah Arendt (1958) fut la première à fournir une définition de l’espace public, dont elle situe la naissance dans la Grèce ancienne, en tant qu’espace d’égalité de tous les citoyens, par opposition aux espaces inégalitaires de la sphère privée. L’espace public serait l’espace au sein duquel chacun peut exercer la pratique active de la citoyenneté, peut manifester sa spécificité, un lieu où s’expriment les différences et où chacun est libre d’« apparaître ».


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