Une implication variable dans les trois missions du CHU


L’ordonnance de 1958 a confié une triple mission aux personnels hospitalouniversitaires, mais ni l’ordonnance ni le décret de 1984 n’ont précisé les obligations de service, la répartition et l’articulation entre ces missions. L’arrêté interministériel prévu à l’article 4 du décret du 24 février 1984 portant statut des personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires n’a jamais été pris. Seule une circulaire fixe les obligations de service à onze demi-journées par semaine, sans autre précision concernant la durée de la demijournée, la répartition du temps de service entre l’université et le CHU ou entre les trois missions. Par convention, il est souvent considéré que les personnels hospitalo-universitaires consacrent une moitié de leur temps aux soins, un quart à la recherche et un quart à l’enseignement. Au niveau individuel, l’exercice à haut niveau des trois missions est aujourd’hui présenté comme illusoire, la réalité pratique étant souvent celle d’une bi-spécialisation, voire d’une mono-spécialisation. Certains hospitalo-universitaires publient peu, voire pas du tout, et sont de fait des cliniciens enseignants, quand d’autres ne font que de la recherche et quasiment plus de soins ni d’enseignement. Certains interlocuteurs ont pu faire état de séquences successives au cours de leur carrière : d’abord chercheurs, puis plutôt enseignants et cliniciens. La possibilité de privilégier une ou deux des trois missions tient aux facilités ouvertes par le statut, aux conditions réelles d’exercice (la possibilité de réaliser les trois missions varie selon les disciplines, le volume des équipes hospitalo-universitaires ou le nombre de praticiens hospitaliers présents dans le CHU), mais aussi à la rétribution que peut en attendre le praticien : ainsi, l’activité d’enseignement, qui fait l’objet d’une évaluation plus sommaire que la recherche, est moins valorisée que cette dernière dans les décisions d’avancement de carrière. Cette hétérogénéité des pratiques est le plus souvent présentée de manière positive, car elle permet une souplesse qui est appréciée par les personnels hospitalo-universitaires. Elle met cependant les établissements hospitaliers dans l’incapacité de quantifier le temps médical affecté à chacune des missions, à établir leurs coûts analytiques et à rapprocher de ces coûts les recettes MERRI. Or, la nécessité juridique de connaître les coûts de la recherche et de l’enseignement, notamment au regard du droit communautaire, implique une meilleure connaissance de la répartition effective du temps médical hospitalo-universitaire. Dans certains pays étrangers, des décomptes très fins du temps du personnel hospitalouniversitaire sont mis en œuvre. En Grande-Bretagne, la British Medical Association (BMA) a formalisé, en février 2010, un mode de comptabilisation extrêmement précis du temps, y compris pour les professeurs de médecine dans le cadre d’un contrat annuel révisable qui répartit le temps de travail entre dix activités couvrant les missions cliniques et académiques. La comptabilité analytique peut ainsi s’appuyer sur une analyse plus précise des coûts de personnel. Bien que le statut traite de carrière individuelle, l’opinion dominante fait reposer la réalisation de la triple mission sur « l’équipe hospitalo-universitaire » davantage que sur l’individu. Cette notion d’équipe hospitalo-universitaire reste un concept flou dont le périmètre varie d’un établissement, voire d’un site à l’autre. La répartition du temps de chacun des membres entre les trois missions serait alors réalisée par le chef de service ou le chef de pôle, de façon implicite et informelle. L’introduction des tableaux de service au début des années 2000 aurait pu apporter une clarification dans la répartition du temps hospitalouniversitaire, mais les pratiques restent extrêmement variables entre CHU et parfois même au sein des CHU entre les services concernés par une permanence ou une continuité des soins, en raison des risques qui s’y rattachent en termes de responsabilité. Ce constat peut d’ailleurs être étendu aux personnels médicaux non universitaires.


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